Immobilier 2025-2026 : la vraie crise se prépare, mais elle ne touchera pas tous les territoires
Un État fragilisé, une confiance à restaurer
La France aborde l’automne 2025 dans une position financière délicate. La dette publique franchit les 3 300 milliards d’euros, soit plus de 109 % du PIB, et la charge d’intérêts a doublé en quatre ans pour se rapprocher du budget de l’Éducation nationale. Bruxelles a ouvert une procédure de déficit excessif, et les agences de notation menacent d’une nouvelle dégradation.
Ce constat n’est pas qu’un débat d’experts. Il conditionne directement le quotidien des Français. Car si la signature de l’État se fragilise, il devra emprunter plus cher. Et lorsque l’État paie davantage pour se financer, les banques, à leur tour, répercutent ce coût dans leurs crédits aux ménages. La mécanique est implacable : de la dette publique jusqu’au prêt immobilier, la chaîne de transmission est directe.
Pourquoi les taux pourraient repartir à la hausse
Depuis le printemps, les taux immobiliers se stabilisent autour de 3 %. Beaucoup y voient une embellie durable. Mais cette accalmie ne tient que parce que les marchés veulent encore croire en la capacité de la France à redresser ses finances.
Si cette confiance s’érode, le scénario change. Les investisseurs exigeront une prime de risque, les taux d’emprunt d’État grimperont, et les banques, qui se financent en partie sur ces marchés, ajusteront aussitôt leurs barèmes. Un crédit à 3 % pourrait rapidement coûter 3,5 % ou 4 % en 2026. Et derrière ce chiffre abstrait, il y a une réalité simple : un couple qui pouvait emprunter 200 000 € à 3 % ne pourra plus que 180 000 € à 4 %. Le pouvoir d’achat immobilier reculerait mécaniquement, entraînant une pression baissière sur les prix, surtout pour les biens les moins attractifs.
Paris : une capitale qui se vide et se polarise
La baisse des prix parisiens (−10 à −14 % depuis le pic de 2020) n’est pas seulement le produit de la remontée des taux. Elle traduit aussi un phénomène de fond : Paris attire moins. Entre 2016 et 2022, la capitale a perdu en moyenne 12 800 habitants par an. Et selon l’étude Paris je te quitte (2025), 85 % des Franciliens envisagent de quitter la région d’ici cinq ans, séduits par les villes moyennes, le littoral, le Sud ou le bassin genevois.
Les cadres, autrefois attachés à la capitale, n’hésitent plus à renoncer à une partie de leur salaire pour gagner en confort de vie. Ils choisissent Nantes, Rennes, Toulouse, Montpellier… ou traversent le Léman pour s’installer en Haute-Savoie, où les salaires suisses compensent largement le différentiel.
Conséquence : Paris devient un marché bipolaire. Les biens d’exception, situés dans les quartiers les plus prisés et dotés d’un bon DPE, continuent de se vendre. Mais le reste du marché est à la peine : délais rallongés, négociations systématiques, et un horizon où la flambée généralisée des prix appartient au passé.
Haute-Savoie : un marché adossé à Genève
La Haute-Savoie résiste mieux que la moyenne nationale pour une raison simple : Genève. Plus de 110 000 frontaliers franchissent chaque jour la frontière, avec des salaires en francs suisses qui dopent leur pouvoir d’achat côté français. Cet effet de levier structurel soutient durablement la demande dans le Genevois et le bassin lémanique, où les appartements anciens progressent encore (+1,7 % sur un an).
Toutefois, cette dépendance crée aussi une vulnérabilité. Les menaces de Donald Trump d’instaurer des droits de douane de 30 % sur la Suisse font planer une incertitude sur l’économie genevoise. Si elles se concrétisent, certains secteurs pourraient ralentir, et l’impact se répercuterait à la marge sur le marché transfrontalier. Mais même dans ce scénario, l’équilibre reste favorable : aucun autre territoire français ne combine à ce point salaires élevés, proximité internationale et cadre de vie alpin.
La vigilance s’impose surtout sur les marchés de montagne surchauffés pendant la période post-Covid. Dans le Mont-Blanc ou les Aravis, des corrections à deux chiffres sont déjà visibles, preuve que la résilience haut-savoyarde n’est pas homogène.
Morbihan : un littoral patrimonial, pas un marché à risque
Le Golfe du Morbihan illustre une autre dynamique. Contrairement aux caricatures, il n’est pas menacé par une montée brutale des eaux. Sa côte granitique est stable, et seules quelques zones basses sont concernées par des plans de prévention. L’essentiel du marché reste solide.
Les chiffres confirment un simple atterrissage : −3,3 % pour les appartements et −1,3 % pour les maisons en un an. Ici aussi, la sélection s’intensifie : un appartement bien situé à Vannes ou Auray continuera de se vendre, une maison sur la presqu’île de Rhuys restera convoitée, mais un bien énergivore dans l’arrière-pays devra s’aligner sur les nouvelles contraintes du marché.
Le Golfe demeure avant tout un marché d’emplacement et de patrimoine. Il continuera d’attirer des acquéreurs, notamment des cadres quittant Paris pour conjuguer qualité de vie et proximité maritime.
2026 : trois étapes à anticiper
La trajectoire la plus probable s’articule en trois temps :
Fin 2025 : les tensions budgétaires françaises et les incertitudes politiques élargissent l’écart entre les taux français et allemands.
Début 2026 : les banques deviennent plus sélectives, les taux immobiliers repartent vers 3,5–4 %, le crédit se raréfie.
2026 : les volumes de ventes diminuent, les délais s’allongent, et les prix s’ajustent : −5 à −10 % sur les biens énergivores et périphériques, stabilité ou légère hausse pour les biens premiums dans les zones les plus tendues.
Acheteurs et vendeurs : que faire ?
Acheteurs : si le projet est solide et le financement validé, 2025 est sans doute une fenêtre à saisir avant un possible durcissement en 2026. Dans les zones attractives, les prix ne baisseront pas massivement.
Vendeurs : si votre bien est rare et bien noté, le marché est encore là. Si en revanche il est énergivore ou périphérique, mieux vaut l’ajuster rapidement plutôt que d’attendre un hypothétique rebond.
Conclusion : une crise sélective, pas un effondrement
La France se prépare à une crise immobilière d’un genre particulier. Ce ne sera pas un krach global, mais une fracture. Les territoires adossés à une demande solide — Genève pour la Haute-Savoie, le patrimoine côtier pour le Morbihan — resteront des valeurs sûres. Paris, elle, continuera de se polariser. Et partout ailleurs, les biens mal notés ou mal situés devront s’adapter.
En 2026, le marché immobilier français se lira comme une carte à deux vitesses : les zones de résistance et les zones de décrochage.