Faut-il vraiment éviter de vendre ou d’acheter un bien immobilier en hiver ?
Je travaille au quotidien sur deux terrains qui peuvent sembler opposés : la Haute-Savoie et le Pays de Gex d’un côté, le Golfe du Morbihan de l’autre. Entre stations de ski et criques protégées, chalets face au Mont-Blanc et maisons de pêcheurs tournées vers le large, tout semble les opposer. Pourtant, ces deux marchés ont un point commun fort : ils sont tous deux extrêmement saisonniers, traversés par des clientèles exigeantes, mobiles et souvent très informées.
C’est précisément cette double implantation qui permet de comparer, chiffres à l’appui, ce que beaucoup ressentent de manière intuitive : oui, il existe une saisonnalité immobilière en France, mais non, l’hiver n’est pas une « morte-saison » où il serait absurde de vendre ou d’acheter. Entre Alpes et Atlantique, on observe au contraire des fenêtres de tir très intéressantes en fin d’année, à condition de bien comprendre les mécanismes en jeu.
L’objectif de cet article est donc simple : répondre de façon claire et argumentée aux questions que se posent vendeurs et acheteurs en cette fin 2025. Doit-on mettre en vente son bien en hiver ? Y a-t-il réellement des ventes au mois de décembre ? Est-ce trop tard pour acheter à proximité des stations de ski ? Est-ce plutôt le bon moment pour faire de bonnes affaires, au détriment des vendeurs, ou un créneau stratégique pour commercialiser un bien avec moins de concurrence, en visant un emménagement au printemps ? Et qu’en est-il, plus spécifiquement, pour les communes françaises limitrophes de Genève et pour le Golfe du Morbihan ?
Depuis 2022, un marché chahuté mais à nouveau mobile
Avant de parler saisons, il faut rappeler le décor. Après le pic de plus de 1.2 million de ventes dans l’ancien en 2021, le marché français a connu un net coup de frein à partir de l’automne 2022, sous l’effet de la remontée brutale des taux et d’un durcissement des conditions de crédit. En 2024, le volume annuel de transactions est descendu autour de 790 000 à 800 000 ventes, soit une baisse d’environ un tiers par rapport au sommet de 2021.
Fin 2024 puis en 2025, la tendance s’est infléchie. Les statistiques Notaires–Insee et les grandes enseignes de transaction montrent un redémarrage progressif : rebond des compromis au dernier trimestre 2024, reprise confirmée en 2025 avec une projection proche de 900 000 à 925 000 ventes sur l’année. La baisse des taux immobiliers autour de 3.0 à 3.5 %, contre plus de 4.0 % fin 2023, a redonné de l’oxygène aux dossiers de financement, même si les banques restent sélectives.
En parallèle, la mobilité résidentielle reste élevée : près de 5.9 millions de personnes ont déménagé en France en 2023, soit environ 8.8 % de la population. Autrement dit, même dans une phase baissière, les projets de vie ne s’arrêtent jamais. Ils se reportent, se renégocient, se réorientent, mais continuent d’alimenter le marché tout au long de l’année, y compris en hiver.
Un marché immobilier clairement saisonnier, mais qui ne s’arrête jamais
Les données de l’Insee et les analyses consolidées sur la période longue confirment un fait que tous les professionnels constatent sur le terrain : le marché est saisonnier. Sur une année, le nombre d’actes de vente signés chez les notaires varie fortement d’un trimestre à l’autre.
On observe en moyenne environ 18 % de transactions de plus au troisième trimestre qu’au premier. La mécanique est logique : les familles avec enfants privilégient un déménagement pendant les grandes vacances pour être installées avant la rentrée, et l’on retrouve ce pic estival dans les statistiques de signatures. De la même manière, l’activité redémarre fortement au printemps, quand la luminosité, la météo et le moral des ménages jouent en faveur des projets immobiliers.
Ce qui est moins intuitif, c’est l’impact de cette saisonnalité sur les prix. Toujours selon les travaux exploités par l’Insee, les prix signés peuvent varier de 2 à 3 % selon le trimestre, avec des niveaux plus élevés au deuxième et au troisième trimestre, et plus bas au quatrième. En province, un bien ancien se vend en moyenne jusqu’à 3 % moins cher quand l’acte authentique est signé au premier trimestre plutôt qu’au troisième.
Cela ne veut pas dire qu’il est « mauvais » de vendre hors printemps, mais que le rapport de force se modifie légèrement. Il y a moins d’acheteurs en recherche active en fin d’année, mais aussi moins de biens concurrents sur le marché. L’essentiel est donc de raisonner en stratégie, pas en croyance.
Y a-t-il vraiment des ventes au mois de décembre ?
Question que beaucoup de particuliers posent en rendez-vous d’estimation : « est-ce que ça a vraiment du sens de signer ou de lancer une vente en décembre ? ».
La réponse est nette : oui, il se passe des choses en décembre. Les statistiques nationales le confirment et l’expérience de terrain aussi. Simplement, il faut garder en tête deux réalités.
D’abord, une vente signée en décembre chez le notaire correspond le plus souvent à un compromis signé entre septembre et octobre. Le mois de décembre, dans les chiffres de transactions notariées, reflète donc l’activité de l’automne, pas celle des visites de Noël. Dire qu’il ne se passe « rien » est donc une erreur d’interprétation, pas un constat de marché.
Ensuite, si le nombre de compromis signés baisse effectivement au cœur de l’hiver, les profils d’acheteurs qui restent en lice sont, en moyenne, plus déterminés. On y retrouve des ménages en mutation professionnelle, des séparations, des investisseurs qui doivent réemployer des fonds, des frontaliers qui ajustent leur situation résidentielle ou fiscale. Ces acquéreurs ne visitent pas « pour voir » : ils ont un projet à concrétiser dans un délai souvent contraint.
Pour un vendeur, cela change tout. Moins de volume ne signifie pas moins de chances de vendre, mais davantage d’importance accordée à trois paramètres : la qualité de la mise en marché, le niveau de prix et la capacité à sécuriser le financement de l’acheteur.
Mettre en vente son bien en hiver : bonne ou mauvaise idée ?
On peut poser la question autrement : que cherche réellement un vendeur en 2025, dans un marché qui sort doucement de deux années de crise ? Vendre dans des délais raisonnables, au meilleur prix possible compte tenu du contexte, en sécurisant l’issue de la transaction.
Vendre en hiver peut servir ces trois objectifs, à certaines conditions.
En hiver, la concurrence est souvent plus faible. Beaucoup de propriétaires ont encore le réflexe d’« attendre le printemps ». Concrètement, cela signifie moins d’annonces comparables autour de votre bien, donc une meilleure visibilité sur les portails et dans les mails d’alerte des acheteurs en recherche active.
Les acheteurs présents sont plus motivés. Sur le terrain, la proportion de visites « plaisir » est faible en décembre et janvier. Ceux qui se déplacent le week-end ou en sortant du travail ont un impératif : bail qui se termine, arrivée d’un enfant, mutation, rentrée scolaire à préparer, ou, pour les frontaliers, réorganisation d’une vie entre deux pays. Dans un contexte où le pouvoir d’achat immobilier a été mis sous tension, ces dossiers sont travaillés en amont et aboutissent plus souvent.
Les délais incompressibles jouent en faveur d’un lancement de vente en fin d’année. En moyenne, il faut compter entre 90 et 120 jours entre la mise en vente et la signature de l’acte authentique, avec environ 45 à 60 jours pour trouver un acquéreur sérieux, puis 3 mois entre compromis et acte. Autrement dit, un compromis signé en janvier permet un emménagement entre mars et mai. Pour un vendeur qui cible des familles souhaitant être installées au printemps, lancer la commercialisation en novembre ou en décembre est non seulement logique, mais conseillé.
Ce qui change en hiver, ce n’est donc pas la « possibilité » de vendre, mais la manière de préparer la vente : photos lumineuses, visites concentrées sur des créneaux éclairés, explication très blanche des charges, du DPE et des travaux pour rassurer des acheteurs devenus plus prudents.
Montagne, Haute-Savoie et Pays de Gex : est-il trop tard pour acheter près des stations de ski ?
Dans les Alpes et en particulier en Haute-Savoie, le marché a connu une correction sévère entre 2023 et 2024, avec des volumes de transactions en recul de l’ordre de 20 % sur certains secteurs, avant un net rebond en 2025. Les acteurs locaux estiment désormais la hausse des transactions autour de 15 à 16 % dans l’ancien par rapport à l’année précédente, avec une demande soutenue pour les biens bien situés, proches des pôles d’emploi, des gares et des axes vers Genève.
Dans les stations, les écarts de prix restent considérables : de moins de 3 000 €/m² dans des stations familiales à plus de 10 000 €/m² dans les sites les plus prisés de Haute-Savoie, et jusqu’à 12 000 à 20 000 €/m² pour certains chalets de prestige dans les stations icônes. Sur le segment très haut de gamme, certaines stations ont même enregistré des corrections de prix en 2024-2025, de l’ordre de -5 à -6 % pour des produits très luxueux, sans remise en cause du niveau global.
Dans ce contexte, que signifie « est-ce trop tard pour acheter à proximité des stations de ski » en fin d’année ?
Si l’objectif est de profiter de la saison de ski dès cet hiver avec un bien livré clé en main, la réponse est souvent oui, pour une raison juridique très simple : entre un compromis signé en décembre et un acte authentique, il faut compter environ trois mois incompressibles. Même avec un financement prêt, il est rare de récupérer les clés avant février ou mars. Les locations saisonnières de janvier et février, qui portent une partie de la rentabilité annuelle, se feront donc au bénéfice de l’ancien propriétaire.
En revanche, si l’objectif est de préparer la saison suivante, de se positionner sur un secteur précis ou de sécuriser une résidence secondaire pour un usage quatre saisons, l’hiver est loin d’être une mauvaise période. La fréquentation en station permet de juger en conditions réelles de l’ensoleillement, de l’accès aux pistes et du bruit. La négociation est souvent plus ouverte sur les biens qui n’ont pas trouvé preneur avant la haute saison. Et les vendeurs qui remettent leur bien en vente après une saison jugée décevante sont parfois plus réalistes sur les prix.
Aux portes de Genève et sur le Pays de Gex, le raisonnement est différent. On est moins sur un marché de pur tourisme que sur des marchés hybrides, entre résidence principale, résidence semi-principale et investissement locatif porté par la proximité de la Suisse. Les études récentes montrent une baisse des prix de l’ordre de 0.5 % en 2024 sur la « France voisine », avec un recul plus prononcé des volumes de vente, puis un rééquilibrage en 2025. Les prix médians y restent très élevés, au-delà de 4 500 €/m² pour les appartements anciens dans certains secteurs, ce qui limite mécaniquement la clientèle.
Dans ces communes frontalières, la saisonnalité tient moins à la neige qu’à deux paramètres : les rentrées scolaires et les calendriers de mobilité des employeurs suisses. Les décisions d’achat peuvent intervenir toute l’année, y compris en décembre, dès lors qu’un projet de mutation ou de repositionnement professionnel se confirme. Pour un vendeur de maison familiale ou de grand appartement, la fin d’année reste donc une fenêtre de commercialisation pertinente, à condition d’adopter une stratégie de prix cohérente avec un marché devenu plus rationnel.
Sur le Golfe du Morbihan : un marché très saisonnier, mais pas seulement estival
En Bretagne, sur le Golfe du Morbihan, la saisonnalité est encore plus marquée, mais elle ne se résume pas à l’été. Les professionnels constatent depuis plusieurs années que le marché est particulièrement dynamique entre fin mars et fin juin. C’est la période où l’offre est large, où les acquéreurs acceptent de surpayer légèrement un bien coup de cœur, et où les prix affichés sont plus élevés que le reste de l’année.
La pression de la demande sur le littoral est forte. Les secteurs les plus prisés du Golfe ont vu les prix s’envoler sur la décennie, avec des niveaux qui dépassent largement 6 000 €/m² pour certaines maisons bien situées, et des tensions toujours vives sur les terrains, malgré le durcissement des règles d’urbanisme et l’effet de la loi Littoral.
Là encore, la question n’est pas de savoir s’il « se passe quelque chose » en décembre, mais plutôt quel type de projet se décide à cette période. En hiver, le Golfe se vide des flux touristiques mais continue de vivre : projets de retraités qui avancent leur installation à l’année, ménages qui arbitrent entre résidence principale et secondaire, familles locales qui montent en gamme ou quittent un logement devenu trop petit, investisseurs qui préparent la saison suivante.
Pour un vendeur, mettre en vente une maison ou un appartement sur le Golfe du Morbihan en novembre ou décembre présente trois avantages concrets. Le bien se détache davantage dans les annonces, car beaucoup de propriétaires préfèrent « attendre le printemps ». Les acheteurs en recherche à cette période ont une connaissance fine du secteur et une vision réaliste des prix, ce qui limite les visites improductives. Enfin, un compromis signé en décembre ou janvier permet souvent un emménagement au printemps, ce qui correspond aux attentes de nombreux acquéreurs, qu’ils soient résidents permanents ou nouveaux arrivants.
Hiver 2025 : que faire si l’on est vendeur en Haute-Savoie, dans le Pays de Gex ou sur le Golfe du Morbihan ?
En cette fin 2025, le marché est dans une phase de sortie de crise, mais fragile. Les taux ont baissé par rapport à 2023, les volumes de vente remontent, les prix se stabilisent ou se corrigent légèrement selon les secteurs. Dans ce contexte, attendre « le bon mois » revient souvent à prendre un risque : celui de rater une fenêtre de marché où les conditions de financement sont encore favorables et où la demande reste présente.
Sur Haute-Savoie et Pays de Gex, un bien bien positionné en prix, bien présenté et correctement diffusé trouve preneur en moyenne entre 3 et 4 mois, parfois moins sur les secteurs très tendus. En lançant une commercialisation en novembre ou décembre, on vise très concrètement un compromis entre janvier et mars, puis un acte authentique entre avril et juin. Pour un vendeur, cela permet de synchroniser la vente avec un nouveau projet, qu’il s’agisse d’un rachat dans le même secteur, d’un départ vers une autre région ou d’une opération patrimoniale.
Sur le Golfe du Morbihan, la logique est proche, avec une nuance : plus on se rapproche du littoral, plus la clientèle se segmente entre résidents à l’année et résidences secondaires. L’hiver peut être une période stratégique pour capter les seconds, qui sont sur place pour quelques jours et disposent parfois de liquidités immédiates. Là encore, la cohérence du prix par rapport aux références notariées et aux biens concurrents est déterminante.
Dans tous les cas, la question n’est plus de savoir si l’hiver est une « bonne » saison en théorie, mais si votre projet, votre bien et votre marché local sont alignés. Un vendeur bien accompagné, avec un avis de valeur construit sur des données vérifiables, a tout intérêt à raisonner en mois de délai global, pas en superstition calendaire.
Et pour les acheteurs : l’hiver, moment idéal pour faire des « bonnes affaires » ?
L’idée est séduisante : moins d’acheteurs, des vendeurs supposés « pressés » avant la clôture de l’année, des biens qui n’ont pas trouvé preneur au printemps, et donc des marges de négociation plus importantes. Dans les faits, la réalité est plus nuancée.
Oui, les statistiques montrent que les prix signés au quatrième trimestre sont en moyenne légèrement plus bas que ceux du deuxième ou du troisième trimestre, de l’ordre de 2 à 3 %. Oui, certaines situations particulières – mutation, succession, divorce, investissement locatif mal calibré – conduisent à des vendeurs plus flexibles en fin d’année.
Mais les acheteurs de 2025 sont eux aussi plus prudents. Le nombre de rétractations après compromis a augmenté, les banques examinent les dossiers avec plus de rigueur, et le coût des travaux a renchéri les projets de rénovation. Un bien affiché trop haut par rapport au marché local ne devient pas subitement une « affaire » parce que l’on est en décembre. À l’inverse, un bien correctement estimé peut partir très vite, même en plein hiver, dès lors qu’il coche les bons critères.
Pour un acheteur, l’hiver est surtout un bon moment pour travailler sérieusement son financement, se positionner rapidement sur un bien cohérent, et négocier non pas « parce que c’est décembre », mais parce que les comparables et l’état du bien le justifient.
Conclusion : l’hiver n’est pas un risque, c’est un choix stratégique
Si l’on synthétise les chiffres et le terrain, une conclusion se dégage clairement : non, il n’est pas trop tard pour vendre ou acheter en hiver, que ce soit en Haute-Savoie, dans le Pays de Gex ou sur le Golfe du Morbihan.
Oui, l’activité est plus forte au printemps et en été, surtout pour les biens familiaux et certains segments très saisonniers. Oui, les prix signés peuvent être très légèrement plus bas en fin d’année. Mais l’hiver reste une période stratégique, où se concentrent des projets très sérieux, avec des acheteurs motivés et des vendeurs qui disposent de plus de visibilité sur leur année suivante.
Pour un vendeur, lancer sa vente en novembre ou décembre 2025, c’est prendre acte de trois réalités : le marché immobilier a retrouvé une certaine fluidité après deux années de repli, les délais incompressibles entre compromis et acte jouent en faveur d’un emménagement au printemps, et la concurrence est moins forte qu’au cœur de la « haute saison » des annonces.
Entre mer et montagne, entre stations de ski et rivages atlantiques, le marché immobilier ne connaît pas de trêve hivernale. Il connaît des rythmes différents. L’enjeu, pour les vendeurs comme pour les acheteurs, est de les comprendre pour décider en connaissance de cause, et non sous l’influence d’idées reçues.
Sources : Insee ; Mobilité résidentielle des ménages, édition 2024, données 2023 ; Notaires de France / Insee ; Indicateurs de conjoncture immobilière 2024-2025 ; MoneyVox / Boursorama ; « Immobilier : quelle est la période idéale de l’année pour vendre ou acheter son logement ? » ; Hosman, PAP, SéLoger ; articles sur les délais entre compromis et acte authentique, 2024-2025 ; FNAIM Savoie Mont Blanc, Althenor, ActuMontagne ; analyses du marché en Haute-Savoie, Savoie et Ain, 2024-2025 ; Tribune de Genève, Afedim, FNAIM ; études sur la « France voisine » et le Pays de Gex, 2023-2025.