Rénover un bien en montagne en 2025 : quelles aides, quels coûts, quels enjeux en Haute-Savoie ?

 

Rénover en montagne : un enjeu de plus en plus central dans les Alpes

La rénovation énergétique est devenue l’un des grands enjeux du marché immobilier français. En Haute-Savoie, département frontalier, touristique et montagnard, la pression est particulièrement forte sur les propriétaires de logements anciens, notamment en altitude. Entre les exigences de performance énergétique, les nouvelles règles de location, et la hausse du coût de l’énergie (+53 % en 10 ans pour l’électricité, source : CRE, 2024), les arbitrages deviennent complexes pour les propriétaires de biens à rénover.

D’après les données du Conseil départemental de la Haute-Savoie (2023), plus de 46 % des logements du département ont été construits avant 1975, soit avant la première réglementation thermique. Dans les zones de montagne comme le Chablais, le Faucigny ou le Val d’Arly, ce chiffre monte à plus de 60 %, avec un bâti souvent en pierre, mal isolé, difficilement adaptable aux standards actuels sans transformation lourde.

Parallèlement, le parc de résidences secondaires — souvent concerné par ces logements anciens — représente 21,9 % du total en Haute-Savoie (source : INSEE 2021), contre 9,5 % en moyenne nationale. Ces résidences, parfois inoccupées une grande partie de l’année, posent la question de la pertinence (et de la faisabilité économique) de leur mise à niveau énergétique.

Enfin, l’annonce d’interdictions progressives de location des logements classés G (depuis 2025), puis F (en 2028) et E (en 2034), bouleverse le paysage pour les propriétaires bailleurs. Ce calendrier national, s’il ne tient pas compte des contraintes spécifiques de la montagne (climat, accessibilité, type de bâti), impacte pourtant directement ces territoires.

 

Le DPE en zone de montagne : une grille d’analyse pas toujours adaptée

Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), devenu opposable depuis 2021, est au cœur des décisions d’achat, de vente et de location. Pourtant, en zone de montagne, il suscite régulièrement l’incompréhension. Et pour cause : ses modalités de calcul ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités climatiques et architecturales des territoires alpins.

Le DPE repose sur une méthode conventionnelle qui évalue les consommations d’un logement selon une occupation standardisée, dans un climat moyen, avec des coefficients forfaitaires. Or, en Haute-Savoie, l’altitude, les écarts thermiques importants et les caractéristiques du bâti traditionnel (murs en pierre, toiture en pente, combles non aménagés, chauffage au bois…) faussent souvent la lecture réelle de la performance thermique.

Ainsi, un chalet en madrier bien exposé, avec une forte inertie thermique mais un chauffage bois mal valorisé dans le calcul, peut être classé F ou G malgré un confort réel et des consommations maîtrisées. À l’inverse, des logements plus récents, mais mal orientés ou surchauffés à l’électricité, peuvent obtenir un classement meilleur sans être plus sobres.

En 2023, la FNAIM et le Conseil Supérieur du Notariat ont alerté sur ces disparités. Une étude de l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE) note que près de 39 % des logements classés F ou G en zone de montagne seraient, en conditions réelles d’usage, plus proches d’un classement E, voire D, en raison de biais de calcul (source : ONRE, rapport 2023, p. 42).

Autre difficulté : l’absence de prise en compte des systèmes mixtes ou intermittents (chauffage bois en appoint, poêle à granulés…) ainsi que l’imprécision dans l’analyse des bâtiments anciens non rénovés. Les propriétaires doivent parfois engager des travaux coûteux sans garantie d’un gain réel sur la classification.

 

Des contraintes techniques et climatiques à bien intégrer

Rénover un bien en montagne ou en moyenne montagne ne relève pas des mêmes conditions que dans une zone urbaine ou littorale. Dans les vallées alpines comme celle de l’Arve, qui s’étend de La Roche-sur-Foron à Cluses en passant par Bonneville, ou dans les stations de proximité telles que Les Carroz, Praz de Lys ou Le Grand Massif, les contraintes techniques, climatiques et économiques s’additionnent et doivent impérativement être anticipées.

D’abord, le climat alpin exerce une pression forte sur les matériaux et les structures. En fond de vallée comme en altitude, les températures peuvent osciller de –10 °C en hiver à plus de 30 °C en été. À Cluses, par exemple, les relevés de Météo-France montrent une amplitude thermique annuelle moyenne de près de 38 °C (données 2023). Ces écarts exigent des matériaux particulièrement résistants à la condensation, aux UV et aux variations hygrométriques. L’isolation doit être continue, performante, et pensée dans une logique globale (toiture, murs, menuiseries, ventilation).

Ensuite, les conditions d’accès aux chantiers, notamment en station, représentent un facteur souvent sous-estimé. Dans des communes comme Arâches-la-Frasse ou Taninges, les entreprises du bâtiment doivent fréquemment composer avec des routes enneigées, des hameaux isolés ou des pentes accentuées. Cela allonge les délais et augmente les coûts. Selon la CAPEB Savoie Mont-Blanc, les chantiers en zone montagneuse engendrent un surcoût moyen de 15 à 25 %, principalement lié au transport des matériaux, à la mobilisation d’engins spécifiques et à la fragmentation des plannings de travaux, notamment entre novembre et mars.

Le bâti lui-même pose des défis. Qu’il s’agisse d’une ferme savoyarde dont la rénovation reste incomplète, d’un appartement en résidence secondaire nécessitant une remise à niveau dans une copropriété de station, ou d’un chalet des années 1960-70 à moderniser dans les hauteurs de la vallée, on retrouve souvent des murs porteurs en pierre ou en béton non isolés, des combles perdus, une absence de ventilation mécanique contrôlée (VMC), et un système de chauffage vieillissant (convecteurs électriques, cheminées ouvertes, etc.).

Dans ces conditions, une rénovation partielle (type changement de fenêtres ou installation d’un poêle) n’est souvent pas suffisante pour améliorer significativement le DPE. Un audit énergétique complet est recommandé, notamment pour les biens construits avant 1990. Ce diagnostic, désormais partiellement subventionné via MaPrimeRénov’ pour les ménages modestes et intermédiaires, permet de hiérarchiser les travaux selon leur efficacité réelle. Il constitue une étape stratégique pour cibler les investissements pertinents, sans se lancer à l’aveugle.

 

Propriétaires : pourquoi anticiper les travaux peut valoriser votre bien

La rénovation énergétique d’un bien immobilier en zone de montagne, notamment en Haute-Savoie, s’inscrit aujourd’hui dans une logique de valorisation à moyen terme. Les logements bien classés sur le plan énergétique se distinguent non seulement par leur confort d’usage, mais aussi par leur performance sur le marché immobilier.

Les études les plus récentes des Notaires de France (édition 2024) confirment que les biens classés A ou B au DPE se vendent jusqu’à 14 % plus cher que leurs équivalents classés F ou G. Cette « valeur verte », autrement dit la prime accordée par les acquéreurs à une bonne performance énergétique, est particulièrement marquée dans les zones soumises à des hivers rigoureux comme la vallée de l’Arve ou les communes proches des stations du Grand Massif. À l’inverse, les logements classés F ou G subissent en moyenne une décote de 6 à 10 % selon leur typologie et leur localisation (source : DPEboost et R² Diag, 2024).

L’impact sur le budget énergétique est tout aussi concret. Une maison ancienne de 120 m² classée F peut générer jusqu’à 3 000 € de dépenses annuelles en électricité, contre 1 000 à 1 200 € pour un logement équivalent passé en classe C après rénovation (source : simulateur Ademe 2024). Ce différentiel est désormais pris en compte par les acheteurs, notamment les jeunes ménages et les travailleurs transfrontaliers, qui intègrent le coût global de possession dans leur raisonnement.

Anticiper ces travaux permet également de fluidifier la mise en vente. D’après les retours observés dans les données DVF de la Haute-Savoie, les logements bien notés sur le plan énergétique se vendent en moyenne trois à cinq semaines plus rapidement que ceux restés en classe E ou au-delà, toutes autres caractéristiques étant égales. Dans un marché parfois tendu comme celui du Genevois, cette rapidité de transaction représente un avantage concurrentiel non négligeable.

Enfin, un bien rénové devient plus polyvalent : il peut convenir à un usage en résidence principale, en location saisonnière ou en résidence secondaire à fort potentiel locatif. Dans tous les cas, la qualité thermique devient un critère décisif pour des acquéreurs de plus en plus attentifs au confort, aux charges et à l’empreinte environnementale.

Loin d’être une charge à fonds perdus, une rénovation bien pensée — isolation, menuiseries, chauffage, ventilation — constitue une véritable sécurisation de la valeur du bien, aujourd’hui et pour les années à venir.

 

Acheteurs : comment évaluer le potentiel d’un bien à rénover en montagne

En montagne comme ailleurs, l’étiquette DPE influence fortement les décisions d’achat. Mais dans des secteurs spécifiques comme la vallée de l’Arve ou les stations de moyenne altitude, un logement classé F ou G ne doit pas être systématiquement écarté. Ces biens, souvent anciens et construits selon des techniques traditionnelles (pierre, bois, béton brut), peuvent, une fois rénovés, offrir une qualité thermique remarquable, un confort durable et une réelle valorisation.

Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), certains postes de travaux peuvent produire des effets significatifs sur le classement énergétique. L’isolation des combles permet ainsi de gagner une à deux classes DPE, tandis que l’isolation des murs par l’extérieur ou l’intérieur peut améliorer la performance de deux à trois classes supplémentaires. Le remplacement des menuiseries et la modernisation du système de chauffage, par exemple avec une pompe à chaleur ou un poêle à granulés, peuvent encore faire progresser d’un ou deux niveaux l’étiquette énergétique. Une rénovation bien conçue peut ainsi faire passer un logement de la classe G à la classe C en une seule phase de travaux (source : Ademe, guide de la rénovation globale, mars 2024).

Sur le plan budgétaire, les coûts peuvent être conséquents. Toujours selon l’Ademe, pour une maison individuelle de 100 à 120 m² située en zone froide, un bouquet de travaux cohérent — incluant l’isolation des combles, le remplacement des fenêtres, la modernisation du chauffage et l’installation d’une ventilation performante — représente généralement un budget compris entre 45 000 et 70 000 € hors aides. Ce montant peut être sensiblement plus élevé dans les secteurs de montagne, en raison des contraintes logistiques, des matériaux spécifiques nécessaires, et des délais souvent plus longs pour la réalisation des chantiers. Les fédérations professionnelles estiment ce surcoût à environ 15 à 25 % en moyenne, notamment lorsque les accès sont difficiles ou que les travaux doivent être organisés hors saison hivernale (sources : CAPEB Savoie Mont-Blanc, ANAH 2023).

Ces investissements permettent toutefois de réduire significativement les charges énergétiques. Le simulateur officiel de France Rénov’ indique qu’un logement initialement classé F ou G, chauffé à l’électricité ou au fioul, peut générer plus de 2 000 € d’économies annuelles après rénovation, selon son exposition, sa surface et les équipements installés (source : Ademe, simulateur France Rénov’, 2024).

Pour les acheteurs, il est donc essentiel de se projeter au-delà du seul diagnostic de performance énergétique, en envisageant un audit énergétique complet. Ce diagnostic approfondi, désormais partiellement subventionné via MaPrimeRénov’ pour les ménages modestes et intermédiaires, permet de hiérarchiser les travaux selon leur efficacité réelle, d’éviter les dépenses inutiles et de sécuriser le projet sur le plan technique et financier. Il constitue également un levier de négociation : un acheteur bien préparé peut intégrer les coûts prévisionnels dans son offre, et ainsi obtenir des conditions d’acquisition plus favorables tout en gardant une vision claire de son budget global.

Enfin, il convient de noter que certaines banques, notamment régionales ou à mission environnementale, accordent des conditions avantageuses aux dossiers incluant un plan de rénovation énergétique structuré. Pour un ménage primo-accédant ou un profil transfrontalier, cette anticipation peut faciliter l’octroi du financement, voire faire baisser le taux d’intérêt appliqué.

Un bien à rénover en montagne ne doit donc pas être vu comme une contrainte, mais comme une opportunité maîtrisée, à condition d’en évaluer sérieusement les contours, et de s’entourer de professionnels qualifiés.

 

Quelles aides financières pour rénover un bien en montagne en 2025 ?

La rénovation énergétique d’un bien immobilier, en particulier en zone de montagne, représente un investissement significatif. Pour alléger cette charge, plusieurs aides existent, mais leur accessibilité dépend fortement du type d’occupation du logement, du niveau de revenus du ménage, et de la nature des travaux engagés.

Depuis le 1er janvier 2025, MaPrimeRénov’ reste la principale aide publique pour la rénovation énergétique des résidences principales. Elle est désormais recentrée sur les rénovations globales performantes, c’est-à-dire les travaux permettant un gain d’au moins 2 classes DPE. Le montant maximal d’aide atteint jusqu’à 70 000 € pour les foyers très modestes, incluant les primes liées à l’audit énergétique préalable, à condition que les travaux soient pilotés par un accompagnateur agréé Mon Accompagnateur Rénov’ (source : France Rénov’, réforme 2025).

Les profils aux revenus intermédiaires ou supérieurs restent éligibles, mais les barèmes ont été revus à la baisse. De plus, les monogestes (ex. : isolation seule ou changement de chaudière sans rénovation globale) ne sont plus éligibles via MaPrimeRénov’ pour les résidences principales depuis 2024, sauf dans certains cas spécifiques (remplacement d’une chaudière au fioul, par exemple).

Les résidences secondaires, nombreuses en Haute-Savoie et dans les stations de montagne, sont exclues de MaPrimeRénov’ depuis plusieurs années, et cette exclusion a été confirmée pour 2025. Seuls les travaux liés à l’adaptation du logement au handicap ou à la perte d’autonomie peuvent encore ouvrir droit à une aide publique dans ces cas particuliers.

En revanche, les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) demeurent accessibles à tous les propriétaires, y compris ceux de résidences secondaires. Ces primes, versées par les fournisseurs d’énergie ou les enseignes partenaires, sont calculées en fonction du gain énergétique estimé. Elles peuvent représenter une aide de 1 500 à 4 000 € pour des travaux classiques comme l’isolation des combles, le remplacement de fenêtres ou l’installation d’un système de chauffage performant (source : ministère de la Transition Écologique, campagne CEE 2025).

Des aides locales, enfin, peuvent compléter ces dispositifs. En Haute-Savoie, plusieurs intercommunalités de montagne participent à des programmes territoriaux (SLIME, Effilogis, rénovations accompagnées...) qui proposent un appui technique gratuit via les guichets France Rénov’ départementaux, ainsi que des aides financières complémentairespour certains types de travaux, notamment en copropriété. L’ADIL 74 peut orienter les propriétaires vers les programmes disponibles localement.

Dans tous les cas, les démarches doivent être anticipées. La plupart des aides exigent désormais un audit préalable, un accompagnement administratif obligatoire, et un suivi rigoureux des travaux. Dans un contexte de réforme profonde des dispositifs publics engagée depuis 2024, il devient essentiel de se faire accompagner par des professionnels maîtrisant les règles d’éligibilité.

 

Conclusion : un nouveau regard sur la rénovation en montagne

Rénover un bien immobilier en zone de montagne n’est pas une démarche anodine. C’est un engagement technique et financier, souvent lourd pour les ménages, et parfois difficilement accessible malgré les aides disponibles. Dans des territoires comme la vallée de l’Arve ou les stations du Genevois, les coûts des matériaux, les contraintes d’accès et les exigences de performance énergétique peuvent décourager de nombreux propriétaires, en particulier ceux dont le bien constitue un patrimoine familial ancien ou une résidence secondaire peu occupée.

Pour autant, la rénovation ne doit pas être abordée uniquement sous l’angle de la contrainte. Bien pensée, elle peut devenir un levier de valorisation, une manière de préserver le confort d’hiver, de réduire les charges, et d’assurer une meilleure transmissibilité du bien dans un marché où les critères énergétiques prennent une place croissante. Les acheteurs, de plus en plus attentifs à ces enjeux, sont souvent prêts à investir dans des logements déjà améliorés, ou à négocier avec lucidité lorsque le potentiel est clairement établi.

À condition d’être informés, accompagnés, et de pouvoir arbitrer avec discernement entre ce qui est utile et ce qui est superflu, les propriétaires peuvent faire des choix cohérents avec leurs moyens et leurs priorités. La rénovation en montagne ne saurait être un mot d’ordre uniforme : elle doit tenir compte des réalités climatiques, économiques et humaines propres à chaque bien. Et dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant, c’est aussi la qualité de l’accompagnement local qui fera la différence.

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