Genève : l’essor continu des frontaliers français et ses effets sur le marché immobilier local
L’augmentation du nombre de frontaliers travaillant à Genève s’accélère depuis cinq ans, portée par l’attractivité économique du canton et les écarts de salaires entre la Suisse et la France. Cette dynamique, désormais structurelle, transforme les équilibres locaux et exerce une pression croissante sur l’immobilier dans les communes voisines comme Reignier-Ésery, Archamps ou Saint-Genis-Pouilly. En tant que professionnel de terrain, je vous propose une analyse complète et sourcée de ce phénomène pour mieux comprendre ses implications.
Un phénomène structurel qui s’accélère
Depuis plusieurs années, le nombre de frontaliers français travaillant en Suisse, et plus particulièrement dans le canton de Genève, ne cesse de progresser. Cette évolution, récemment confirmée par les dernières données de la Statistique des frontaliers (STAF) pour le premier trimestre 2025, s’inscrit dans une dynamique de fond qui transforme durablement le visage du territoire franco-suisse. Cette croissance, loin d’être anecdotique, pèse directement sur les équilibres démographiques, économiques et immobiliers des communes françaises situées à proximité de la frontière.
Une hausse marquée du nombre de permis G
Entre le premier trimestre 2020 et celui de 2025, le nombre de titulaires d’un permis G en Suisse — l’autorisation de travail spécifique aux frontaliers — est passé de 338 000 à plus de 406 000. Cette progression de 20 % sur cinq ans s’accélère dans les régions limitrophes les plus dynamiques. À elle seule, la France concentre près de 58 % de l’ensemble des frontaliers, loin devant l’Italie et l’Allemagne, qui représentent chacune un peu plus de 22 % de ces travailleurs transfrontaliers. Le canton de Genève illustre parfaitement cette tendance. En cinq ans, il a enregistré une augmentation de 26,6 % du nombre de frontaliers, atteignant 114 680 personnes au premier trimestre 2025, contre 90 283 début 2020. Cette hausse s’est poursuivie au fil des trimestres, avec un franchissement du seuil symbolique des 100 000 frontaliers dès le deuxième trimestre 2022.
Haute-Savoie, Ain, Savoie : des départements en forte progression
Dans cette dynamique, la Haute-Savoie occupe une place centrale. Avec 84 580 frontaliers recensés au premier trimestre 2025, elle confirme son rôle de principal réservoir de main-d’œuvre frontalière pour Genève. En l’espace de cinq ans, ce chiffre a progressé de 24,7 %. L’Ain suit de près avec une augmentation de 32,4 % sur la même période, atteignant aujourd’hui 31 914 travailleurs frontaliers. Plus inattendu, le département de la Savoie connaît lui aussi une croissance marquée, bien que partant de volumes plus modestes : 1 705 Savoyards franchissent chaque jour la frontière pour travailler à Genève, contre 1 234 en 2020, soit une hausse de 38 %.
Les moteurs de l’attractivité genevoise
Cette croissance s’explique par plusieurs facteurs structurels. D’une part, l’économie genevoise demeure extrêmement attractive, tant en matière de rémunération que d’opportunités professionnelles, notamment dans les secteurs de la santé, de l’industrie, de la construction ou encore du placement temporaire. D’autre part, les travailleurs frontaliers trouvent en France un cadre de vie plus abordable et souvent plus qualitatif pour leur résidence principale, tout en restant à une distance raisonnable de leur lieu de travail. Des communes comme Reignier-Ésery, Archamps ou encore Saint-Genis-Pouilly sont ainsi devenues des points d’ancrage privilégiés, bénéficiant à la fois de leur proximité avec Genève et de la qualité de leurs infrastructures locales.
Une pression croissante sur le marché immobilier local
Mais cette dynamique entraîne aussi une pression de plus en plus forte sur le marché immobilier résidentiel des communes frontalières. La demande croissante, portée par des acquéreurs disposant souvent de revenus en francs suisses, tend à faire grimper les prix au mètre carré, provoquant un déséquilibre au détriment des ménages locaux rémunérés en euros. Cette situation alimente un phénomène de « gentrification frontalière » qui, à terme, risque de rendre l’accès au logement particulièrement difficile pour les jeunes actifs, les familles locales ou les primo-accédants. À Reignier-Ésery par exemple, on observe une tension croissante sur les biens familiaux, avec des délais de vente qui se réduisent et des prix qui dépassent fréquemment les estimations initiales.
Des enjeux d’aménagement à relever
Par ailleurs, la hausse continue du nombre de frontaliers pousse les collectivités locales à revoir leurs stratégies d’aménagement et de mobilité. Les axes de circulation, les réseaux de transports en commun, les équipements scolaires et les services publics doivent s’adapter à cette population croissante, souvent très mobile, dont les besoins diffèrent parfois de ceux des résidents permanents. La question du foncier, du stationnement et de l'artificialisation des sols devient également centrale, dans un contexte où la transition écologique impose des choix d’aménagement plus durables.
Une évolution durable à accompagner
Loin d’être un phénomène ponctuel, l’augmentation du nombre de frontaliers travaillant à Genève s’impose donc comme un fait structurel, appelant à une réflexion conjointe entre les territoires suisses et français. En tant que négociateur immobilier spécialisé sur le bassin genevois, j’observe au quotidien ces mutations. Elles m’amènent à adapter mon accompagnement pour aider mes clients — qu’ils soient acquéreurs ou vendeurs — à naviguer dans un marché de plus en plus complexe, où l’analyse fine du territoire et la connaissance des dynamiques transfrontalières sont plus que jamais indispensables.
À retenir :
En cinq ans, le nombre de frontaliers travaillant à Genève a augmenté de 26,6 %, atteignant près de 115 000 personnes début 2025.
La France reste le principal pays de résidence des frontaliers (près de 58 %), avec une forte concentration en Haute-Savoie et dans l’Ain.
Cette croissance alimente une tension notable sur le marché immobilier des communes proches de Genève.
Les prix augmentent, les biens familiaux partent rapidement, et la demande reste forte, notamment de la part d’acheteurs rémunérés en francs suisses.
Une bonne connaissance des réalités transfrontalières est devenue indispensable pour réussir son projet immobilier dans le bassin genevois.